Anomalies du pouce (Duplication/Hypoplasie/Pouce triphalangique / Pouce dans la paume)

Hypoplasie / Aplasie du pouce

Son incidence serait de 4.5 % mais avec une probable sous-estimation du fait de formes frustes. Elle est bilatérale dans 63% des cas. Cette malformation se caractérise par un grand polymorphisme clinique, de sévérité très variable allant en effet d’un pouce légèrement plus fin à une absence complète de toute la colonne du pouce. Elle peut être isolée, associée à d’autres anomalies osseuses au membre supérieur ou s’intégrer dans un cadre syndromique.

La classification la plus utilisée est celle en 5 groupes décrite par Blauth. Cette classification descriptive clinique et radiologique prend en compte tous les paramètres nécessaires à une fonction normale : longueur du pouce, première commissure, muscles intrinsèques et extrinsèques, appareil ostéoarticulaire.

            – Groupe 1 : l’hypoplasie est isolée mineure. Cliniquement le pouce est harmonieux, il est simplement un peu plus fin et plus court que le coté controlatéral. Il n’y a pas d’instabilité articulaire.  Aucun traitement n’est nécessaire.

            – Groupe 2 : il existe une amyotrophie des muscles thénariens entrainant une difficulté d’opposition. L’ouverture de la première commissure est limitée. Une instabilité de l’articulation MCP (métacarpo phalangienne) par laxité du ligament collatéral ulnaire est souvent retrouvée. Il peut exister des anomalies d’insertion du long fléchisseur du pouce avec parfois des bandelettes de connexion entre fléchisseur et extenseur. Radiologiquement, toutes les unités osseuses de la première colonne sont présentes mais sont plus grêles que du côté controlatéral et présentent souvent un retard d’ossification.

            – Groupe 3 : ce groupe se caractérise par une absence des muscles thénariens, des tendons des muscles extrinsèques (fléchisseurs et extenseurs) rudimentaires ou absents et une première commissure très brève.  Ce groupe a été subdivisé en 3 sous-groupes: (A) existence d’une articulation carpo-métacarpienne, (B) absence d’articulation carpo-métacarpienne, (C) : absence de la diaphyse et de la base de M1 mais présence isolée de sa tête.

hypoplasie groupe 3 B

– Groupe 4 : le pouce est «flottant ». Un segment vestigial est rattaché à la main par un simple pont cutané contenant un pédicule vasculo-nerveux.

            – Groupe 5 : absence complète du pouce. Le groupe 5 représente le cas le plus fréquent.

De cette classification descriptive découle les principes thérapeutiques, répondant par étapes aux anomalies listées. L’objectif ultime du traitement est d’obtenir un pouce stable et fonctionnel.

            – Groupe 1 : La fonction est normale, aucun traitement n’est nécessaire.

            – Groupe 2 : le traitement peut comporter en fonction de l’atteinte une libération de la première commissure par des plasties cutanées ou par réalisation d’un lambeau régional, un transfert d’opposition utilisant le court abducteur du 5ème doigt V ou le fléchisseur commun superficiel du 4ème rayon, une stabilisation articulaire MCP.

            -Groupe 3. Dans ce groupe la fonction du pouce est très réduite. Dans cette catégorie se trouve la frontière entre traitement conservateur et traitement non conservateur.

 Pour le groupe 3A, le traitement conservateur est la règle avec différentes étapes possibles comme pour le groupe 2.

Pour le groupe 3B et 3C, l’absence d’articulation trapézo-métacarpienne et la difficulté de motorisation rendent les techniques de reconstruction alléatoires. Certains auteurs ont utilisé des transferts articulaires vascularisés à partir d’orteils. Les résultats fonctionnels de ces traitements conservateurs sont néanmoins décevants et doivent faire discuter avec la famille une exérèse du pouce et une pollicisation de l’index.

résultat post-pératoire après pollicisation de l’index

Pour les 2 derniers groupes 4 et 5 ; et pour la plupart des auteurs pour les sous-groupes B et C du groupe 3, le traitement de choix est la pollicisation de l’index. Cette intervention consiste à déplacer l’index pour le positionner en opposition aux autres doigts longs et ainsi restaurer une pince. L’âge préférentiel de réalisation de cette chirurgie est 18 mois. Les facteurs pronostic de succès sont l’âge de réalisation de l’intervention et surtout de la qualité du doigt pollicisé.
Dans le cas de malformation associée et surtout dans le cas des mains botes radiales, la pollicisation doit être effectuée après les chirurgies de correction de l’axe du poignet.

L’association syndromique est fréquente, d’ou la nécessité de faire un examen clinique complet et de demander un avis génétique. Certains examens paracliniques doivent comporter au minimum une échographie rénale et cardiaque, une numération formule sanguine et plaquettes, et des radiographies du rachis et du membre supérieur en entier

Duplication du pouce (polydactylie pré-axiale)

Fréquence : 1/3000 naissances

Souvent bilatérale.

Anomalie fréquente en Asie.

Transmission : autosomique dominant ou cas sporadiques si associé à un pouce à 3 phalanges

Basée sur la radiologie, elle prend en compte le siège de la duplication sur le squelette :

  • I : phalange distale bifide
  • II : duplication de la phalange distale à partir de l’inter-phalangienne
  • III : duplication de la phalange proximale
  • IV : duplication de la phalange distale à partir de la métacarpo-phalangienne (La plus fréquente = 47%)
  • V : duplication du métacarpien
  • VI : duplication du métacarpien à partir de la trapézo métacarpienne
  • VII : formes atypiques avec un pouce à 3 phalanges. La phalange supplémentaire peut être normale, triangulaire (delta) ou losangique

Un autre groupe peut être ajouté : pouce surnuméraire de type rudimentaire ou flottant. Il faut également prendre en compte l’aspect équilibré ou déséquilibré de la duplication selon que le volume tissulaire des 2 pouces est égal ou inégal.

duplication de type Wassel IV

Les 2 pouces sont hypoplasiques, le radial étant habituellement le plus hypoplasique

Sur le pouce ulnaire s’insèrent les muscles innervés par le nerf ulnaire : adducteur, chef profond du court fléchisseur

Sur le pouce radial s’insèrent les muscles innervés par le nerf médian : court abducteur, chef superficiel du court fléchisseur, opposant. Ces muscles devront être transférés sur le pouce restant après ablation du pouce radial. Les fléchisseurs et extenseurs sont dupliqués : le tendon fléchisseur se divise en « Y » pour s’insérer sur le bord médial de chaque doigt, entraînant une déviation de la deuxième phalange. Les articulations sont souvent raides et présentent dans certains types (II et IV) deux facettes avec une crête centrale. Les insertions tendineuses anormales et les déformations articulaires doivent être prise en compte lors de la cure chirurgicale sous peine de résultats incomplets ou de complications

Fréquentes :

  • Autosomiques récessives:
    • Syndrome de Bloom, Fanconi (pancytopénie, dysmélie)
    • Syndrome de Noak (acro céphalo polysyndactylie)
  • Autosomique dominant:
    • Syndrome de Carpenter
    • Holt Oram

Vers 12 mois, l’intervention consiste en l’ablation du pouce le plus hypoplasique, généralement le pouce radial.

Les types I et II posent le problème de à l’esthétique lorsqu’il existe un ongle unique ou deux pouces de petite taille. La technique de « Bilhaut-Cloquet » décrite dans plusieurs ouvrages consiste à réséquer la partie centrale de la duplication mais laisse comme séquelle une dystrophie unguéale sévère. Il faut aujourd’hui lui préférer le renforcement d’un des deux pouces par les éléments anatomiques du pouce retiré.

Pour les types IV, la technique doit être rigoureuse pour obtenir un résultat durable : reconstruction ligamentaire, recentrage du tendon fléchisseur, ostéotomie de réaxation de P1 et de M1, retaille de la tête de M1 au bistouri, réinsertion des thénariens externes, plastie cutanée de fermeture.

Pouce triphalangique

Avec une incidence à 1/25 000 naissances, la transmission est souvent autosomique dominante et 2/3 des cas ont des antécédents familiaux de déformation du pouce. Les formes avec phalange intermédiaire de type triangulaire sont plus souvent sporadiques et unilatérales.

  • Polydactylies (pouce)
  • Main bote radiale, fentes (main, palais, pied)
  • Anomalies cardiaques, sanguine (Fanconi, Blackfan-Diamond…)
  • Aplasie tibiale (Syndrome de Werner)
  • Imperforation anale

Buck-Gramcko a décrit 6 types :

  • Type I : type rudimentaire. Simple allongement de la phalange distale
  • Type II : courte phalange intermédiaire triangulaire. Déviation ulnaire du pouce. Les muscle thénariens et l’articulation carpo-métacarpienne sont normaux. Le premier métacarpien a un cartilage de croissance proximal.
  • Type III : phalange intermédiaire trapézoïdale. Le pouce est plus long et dévié du côté ulnaire.  Les muscles thénariens sont présents et l’opposition est possible mais incomplète.  L’IPP a une mobilité normale alors que l’IPD a une forte limitation de mobilité. La première commissure est courte et le premier métacarpien présente 2 cartilages de croissance.
  • Type IV : phalange intermédiaire rectangulaire. L’aspect est celui d’une main à 5 doigts longs. Du fait de sa position, de l’absence de la plupart des thénariens et de la forme de la carpo-métacarpienne, ce pouce ne peut s’opposer aux autres doigts. Le métacarpien présente un cartilage de croissance distal et parfois proximal.  Les os du carpe radiaux sont hypoplasiques ou manquent parfois.
  • Type V : pouce hypoplasique.  Le squelette est hypoplasique avec des articulations instables sans muscles intrinsèques. Il n’y a que peu de mouvements actifs et le pouce peut être syndactylisé à l’index.  Souvent associé à une main bote radiale.
  • Type VI : forme associée à une polydactylie radiale (la plus fréquente), le pouce à trois phalanges pouvant être situé du côté ulnaire ou du côté radial. Parfois, présence de deux pouces à trois phalanges.

Dépend du type :

  • Type I : nécessite un traitement uniquement en cas d’angulation importante par ostéotomie de la phalange distale (réalisée après 8 ans pour éviter de léser la plaque de croissance)
  • Type II : le traitement dépend de l’âge du patient
    • Avant 6 ans : l’excision de la phalange intermédiaire peut suffire, associée à une reconstruction du ligament collatéral et une excision de l’excès cutané.
    • Après 6 ans, deux techniques sont possibles : l’ostéotomie de la phalange proximale ou l’arthrodèse de l’articulation oblique distale
  • Type III : le traitement est plus complexe et associe
    • Résection de l’articulation la moins mobile (en règle l’IPD) et fusion entre phalange distale et intermédiaire corrigeant l’angulation
    • Accourcissement et ostéotomie de dérotation du premier métacarpien
    • Réinsertion plus distale des intrinsèques
    • Agrandissement de la première commissure
    • Transfert d’opposition
  • Type IV : pollicisation du doigt radial
  • Type V : excision du pouce hypoplasique et pollicisation de l’index
  • Type VI : le pouce conservé est celui qui présente la meilleure stabilité, mobilité et force, généralement le pouce ulnaire.

Pouce dans la paume

Caractérisé par un pouce fixé en flexion et en adduction.

Le nouveau-né présente le plus souvent à la naissance un pouce dans la paume. Vers 3 ou 4 mois, le pouce peut s’écarter afin de saisir un objet. La persistance du pouce en flexion – adduction après cette période est anormale.

Il existe 2 formes :

  • Groupe I : déficit d’extension seule
  • Groupe II : rétraction en flexion

L’examen doit rechercher un coup de vent ulnaire des doigts longs, un syndrome de Freeman-Sheldon, une arthrogrypose. D’autres anomalies peuvent être associées : cérébrales, anomalies faciales, petite taille

Le groupe I est trois fois plus fréquent que le groupe II. L’anomalie est le plus souvent bilatérale.

Le traitement consiste en la mise en place d’une orthèse d’ouverture commissurale et d’extension du pouce. Une intervention chirurgicale peut être nécessaire afin de libérer des rétractions palmaires et de renforcer le court extenseur par un transfert tendineux.

pouces dans la paume chez un nouveau-né

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